Afa77

Association antifasciste 77

Sur la sobriété révolutionnaire: qu’est ce qu’être straight-edge et pourquoi ?

Logo "Strait edge antifasciste" avec un drapeau antifa et XXX sur le drapeau supérieur
Straight edge antifascist

Proposition d’explication de l’utilité militante de la sobriété.

Je définirai et discuterai ici de sobriété comme la non-consommation d’alcool, de tabac et de drogues motivée par une volonté de discipline individuelle ou collective différente de motivations religieuses. Ceci pour éviter de parler d’une expérience de la sobriété différente qui, même si elle est celle de camarades proches dont je respecte la pratique, n’est pas la mienne

Pour ma part, j’ai arrêté l’alcool en fin du confinement en 2020 en observant que ma consommation était trop souvent excessive et forcée par des normes toxiques d’incitation à la consommation dans des bars et des retrouvailles amicales en extérieur. Suite à cet arrêt
de l’alcool, je fumais encore très régulièrement des cigarettes, plus particulièrement dans des moments de stress, d’anxiété sociale ou de sociabilités cadrées par des espaces de consommation ambiante (bars, parcs, manifestations, rassemblements, sorties de réunions).
J’ai réussi à arrêter en faisant le constat pragmatique que mon envie de me former aux sports de combats, le bien-être psychologique et le plaisir que j’en dégageait était largement handicapé par mes capacités cardiaques goudronnées. Mais c’est aussi grâce à la présence de plusieurs camarades straight edge autour de moi que j’ai pu profiter d’espaces où les incitations à la consommation d’alcool et de tabac étaient réduites voir inexistantes, en plus
d’encouragements sincères dans les périodes de réductions qui ont précédé le début de ma sobriété.

Le Straight-Edge est une pratique conceptualisée historiquement dans le cadre d’une partie de la scène punk-hardcore qui théorise et met en pratique l’organisation d’une scène musicale revendiquant la sobriété de ses membres et invitant les arrivant.es à s’intéresser à cette pratique. Si certain.es sont et se revendiquent straight-edge comme une finalité idéologique, la majorité des personnes straight-edge conçoivent cette discipline individuelle et collective comme un outil militant de promotion des problématiques capitalistes, prédatrices et violentes qui entourent la consommation d’alcool et de drogues ainsi qu’un outil leur permettant de limiter l’altération chimique de leur jugement ou de leurs comportements. Certains groupes et militant.es fascistes se revendiquent straight-edge mais nous retiendrons que leur vision de la sobriété est bien souvent plus proche d’une vision eugéniste et masculiniste des corps et des pratiques que d’une démarche positive et révolutionnaire

Mon straight-edge est en désaccord avec une partie des personnes sobres qui nient la difficulté à le devenir ou méprisent explicitement et violemment elles-mêmes leurs “camarades” consommateurs sans prendre en compte les dynamiques socio-économiques et de “parcours” qui mènent à la consommation. Je suis partisan de présenter ma sobriété comme une propagande par le fait: dans les soirées militantes, les cours de boxe populaire
ou les organisations auxquelles je participe, je m’efforce de faire correspondre une attitude sobre et positive avec un effort militant matérialiste sans sortir un mégaphone dès que je commande un diabolo menthe au bar antifasciste local. A cette critique, ajoutons que comme tout mouvement culturel, le straight-edge a son lot de culture capitaliste et petite bourgeoise de l’habillement et du gatekeeping(voir notes) à l’intérieur de sa scène musicale qui sont,
dans une perspective révolutionnaire, à rejeter et confronter. Ou pire, certaines rares personnes se revendiquent straight-edge tout en en faisant un argument de prédation envers les plus jeunes militant.es, ou de construction d’une renommée individuelle crasse.
Je pense que comme pour toute revendication militante (se dire “antifasciste”, “anti-sexiste” ou “straight-edge”), celle-ci doit correspondre à une pratique assidue et individuellement
désintéressée. Elle ne doit pas servir à s’ériger sur un piédestal. Pire encore, de telles revendications ne doivent pas être motivées par une volonté de s’extraire des critiques extérieures quant à ses comportements ou de se présenter comme “safe”/”déconstruit”. Les
espaces comme les militant.es ne sont jamais entièrement déconstruits, safe ou protégés de possibilités de violences systémiques. La sobriété est un outil et essayer d’être un exemple
n’est qu’un procédé faillible et complexe.

Avec cet outil nous pouvons entrevoir des solutions à l’attachement de nos milieux aux lieux capitalistes de consommation pour se réunir ou se retrouver, à la déconcentration et au manque d’organisation qu’amènent l’intoxication ou ses effets secondaires. La
consommation d’alcool et de drogues entrave aussi nos capacités à nous défendre ou à être présent.es pour nos camarades en manifestation, en action, dans la rue, en plus de détruire
notre propre santé. De plus l’Etat et ses agents répressifs sont avantagés par cette perte de vitesse caractérisée par la pacification des révoltes et l’autodestruction qu’amènent la
consommation de drogues et d’alcool. Nous avons facilement observé dans n’importe quelle occupation de fac ou de lieu public que de tels phénomènes entravent la formation de ces
lieux en satellites ou départs d’actions, ils se transforment trop vite en lieux de consommation et de fête où l’état s’enrichit et gagne la bataille idéologique. Et ces espaces, voulus inclusifs, deviennent trop souvent excluants de camarades ne voulant pas consommer ou étant sobres pour des raisons politiques, individuelles ou religieuses.


Notes:

Gatekeeping/gatekeeper (“gardien des portes”): pratique de rejet des personnes arrivant dans un espace de savoirs (milieu militant,scène musicale,…) sur le motif de leur manque de connaissances
des codes et de l’histoire du mouvement de celui-ci